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Les deux termes désignent un seul et même État, pourtant on ne doit pas les employer indifféremment. En langage courant, on parle de la Syrie. Nul ne serait tenté de raconter ses vacances en République arabe syrienne. De fait, l’expression pourrait créer surprise et confusion. On pourrait se demander s’il s’agit d’un nouveau pays ou bien si la Syrie a changé de nom.
Pour y voir clair, il faut comprendre que le nom courant, c’est celui qui sert d’entrée dans le dictionnaire et que l’on emploie dans la conversation. Toutefois, la plupart des États possèdent un nom officiel qui est utilisé dans la correspondance diplomatique et les traités. En voici quelques exemples : République argentine, République de Lettonie, Royaume du Lesotho, État du Qatar, États fédérés de Micronésie. Là encore, on imagine mal l’emploi de telles désignations dans un texte courant.
C’est pourtant ce qui arrive fréquemment pour certains noms officiels qui s’introduisent avec fracas dans une prose qui n’a rien de diplomatique. Nous songeons immédiatement à la République populaire de Chine. Le recours au nom officiel pouvait s’expliquer par la confusion qui entourait les frontières réelles de l’État chinois. Pékin avait en effet des revendications territoriales qui visaient Macao et Hong Kong, deux régions qui ont depuis rallié la « mère patrie ». Reste bien sûr Taïwan, qui a pendant longtemps représenté la Chine aux Nations Unies. Or ce n’est plus le cas et toute confusion entre le régime dissident de Taïpei et celui de Pékin est de nos jours inconcevable. Par conséquent, il est difficile de comprendre l’entêtement de certains qui s’obstinent à employer l’expression République populaire de Chine, comme s’il était capital de préciser que le régime en place est officiellement communiste.
La République islamique d’Iran est traitée de la même façon. Pourtant, le monde entier a pris acte de l’orientation islamiste du régime de Téhéran. Est-ce que le simple fait de dire Iran serait susceptible d’entraîner la confusion? Poser la question, c’est y répondre.
Bien sûr, certains États, comme la Fédération de Russie, peuvent souhaiter être appelés par leur nom officiel. Mais dans les faits, à peu près personne ne va se plier à cette directive. Imagine-t-on devoir chercher « Russie » à la lettre F du dictionnaire? Il y a donc toujours une marge entre les vœux des États et l’usage au quotidien.
Certains auteurs recourent aussi au nom officiel pour mettre en évidence le caractère souverain d’une région promue au rang d’État. Pensons à la République kirghize, autrefois rattachée à l’URSS. On l’appelait parfois Kirghizie et elle porte maintenant le nom de Kirghizistan. Dans les traités et la correspondance diplomatique, on la désigne sous le nom de République kirghize. L’ennui, maintenant, c’est que peu de gens savent qu’elle est membre des Nations Unies. L’ancienne Kirghizie est devenue un pays. Alors certains auteurs veulent mettre ce fait en évidence en utilisant le nom officiel, comme s’ils nous disaient : « Regardez, je parle non pas d’une région, mais d’un pays. »
L’ancienne Tchécoslovaquie est également source de confusion. Elle se composait de trois régions qui n’avaient jamais été vraiment souveraines : la Bohême, la Moravie et la Slovaquie. En 1918, elles se sont émancipées de l’Empire austro-hongrois pour former la Tchécoslovaquie. La Tchécoslovaquie a existé jusqu’en 1993, lorsque la République tchèque et la Slovaquie indépendantes sont venues au monde. Comme la région de Bohême-Moravie n’avait pas véritablement de nom consacré, elle s’est baptisée République tchèque, nom officiel et nom courant; quant à la Slovaquie, elle a adopté comme nom officiel (traités et documents diplomatiques) République slovaque. Beaucoup en sont venus à la conclusion erronée que si « République » fait partie du nom courant de l’une, c’est forcément le cas de l’autre. Or c’est faux. J’ai pourtant vu cette erreur sur une carte, où les autres pays étaient désignés par leur nom courant. Bref, il n’y avait pas de République française, de République italienne ni de Royaume d’Espagne.
Comme les noms officiels sont inscrits auprès des Nations Unies, ils sont également traduits dans chacune des six langues officielles de l’ONU. On aurait tort de croire que les traductions coulent de source. Prenons par exemple la Turquie, officiellement appelée République turque en français, mais qui se décline ainsi en anglais : Republic of Turkey. L’appellation française a une forme adjectivale, contrairement à l’anglais. De telles différences sont fréquentes. Certains diront qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Mais on ne peut écrire n’importe quoi quand il est question d’appellations officielles, d’autant plus que toute erreur dans un traité international entraîne l’annulation de celui-ci.
Les États-Unis du Mexique en sont un bel exemple. Oui, vous avez bien lu, c’est le nom officiel du Mexique. Pourtant le nom officiel en espagnol est Estados Unidos Mexicanos. Donc une forme adjectivale, tout comme en anglais : United Mexican States. Si l’expression française figurant dans l’Accord de libre-échange nord-américain avait été une traduction littérale de l’espagnol, nous aurions eu les États-Unis mexicains, un pays qui n’a aucune existence en droit international. L’ALENA n’aurait donc pas force de loi.
Avant de s’aventurer à traduire les noms officiels, mieux vaut vérifier auprès des Nations Unies ou encore consulter la Liste des noms de pays, de capitales et d’habitants1.
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